Et pourtant, ça ne suffisait pas à Claire qui finit par être rattrapée par la culpabilité lorsqu'elle vit, dans un journal, ce à quoi des enfants disparus ressemblaient aujourd'hui. Et parmi ces têtes se trouvaient celle de "Samara Petrova", ou Jude-Bryséïs, comme les Bluebird l'avaient renommée. La future Samara ne ressemblait quasiment en rien à la Jude que l'on connait aujourd'hui mais Claire eut un pincement au coeur, en se disant que ce portrait loin d'être réussi, devait être accroché dans le salon des Petrova, ces pauvres parents plein d'espoirs, de regrets à qui elle avait ôté leur enfant. Ce journal avait ravivé cette culpabilité en Claire Bluebird qui tînt une semaine entière avant de s'ôter la vie. C'est ainsi que la petite famille parfaite commença à se déparfaitiser. Kyle commença à tomber dans la dépression, sachant parfaitement pourquoi sa femme s'était suicidée. Jude-Bryséïs et Aleysia restèrent aussi proches qu'auparavant, s'aidant à passer cette épreuve difficile, coude à coude, main dans la main, comme elles l'avaient toujours fait. Jusqu'au jour ou Jude-Bryséïs trouva cette lettre cachée dans son tiroir. Sur l'enveloppe était soigneusement écrit « J'espère que tu me pardonneras, Judie » de la main de sa mère elle même.

« Chère Jude-Bryséïs.
J'espère que tu me pardonneras, je sais que tu n'as aucune raison de le faire, mais en lisant cette lettre, souviens toi de combien je t'aime, souviens toi de combien j'étais prête à tout sacrifier pour ton bonheur, à toi et à Aleysia. Oui, souviens toi juste et peut-être trouveras-tu la force de me pardonner, d'avoir baissé les bras et pour ce que tu t'apprêtes à lire. Tu te souviens de ce reportage que l'on avait regardé ensemble lorsque tu n'étais pas allée à l'école lorsque tu étais fiévreuse le jour de tes onze ans ? Sur les enfants disparus, c'est ça. Plus particulièrement le troisième reportage, celui sur la famille Petrova, cette famille qui avait perdu son enfant dans un supermarché ? Tu te souviens ce que tu avais dit ? Que tu espérais qu'ils retrouvent leur petite fille un jour, que tu étais triste pour eux. Puis quand tu t'étais retournée, je pleurais. Je pleurais à chaudes larmes, à ne plus pouvoir m'en arrêter. Tu m'avais dit que ce n'était pas grave, que je ne te perdrais jamais parce que tu m'aimais. Et bien moi aussi, je t'aime. Et c'est la raison pour laquelle je me dois de te révéler la vérité, l'impensable vérité.

C'était à Sunnyside, ton père et moi y vivions depuis ... longtemps. Ton père y était même chef de la police, nous étions heureux, mais je n'arrivais pas à avoir d'enfant, nous avions beau tout essayer, rien n'y faisait. Nous étions vraiment désespérés. Puis je suis allée acheter un test de grossesse et dans le rayon d'à côté, tu pleurais, tu étais seule. Je t'ai prise dans mes bras, tu étais magnifique, le plus beau bébé que je n'ai jamais vu, j'avais envie de t'avoir pour moi toute seule, je t'aimais déjà. Pendant quinze minutes, nous avons attendu tes parents ensemble mais ils ne sont pas venus et sur un coup de tête, je t'ai demandé si tu voulais venir avec moi, dans ma maison. Tu as hoché la tête. Je sais pas ce qui m'a pris, je sais vraiment pas. Je t'ai emmenée... Ton père m'a aidé à couvrir mes traces, il a effacé la cassette, il a effacé les preuves. Et on t'a élevée et aimée comme notre propre fille, on t'a donné la vie que tu méritais... S'il te plait, ne me juges pas, je t'aimais tellement. Je... j'aurais pas du, je sais. Mais pas une fois, non pas une seule fois je n'ai regretté de t'avoir fait entrer dans notre vie, même une fois Aleysia née. Je sais, je suis égoïste, je suis horrible. Mais je vous aime tellement, Aleysia et toi, vous êtes mes filles, c'est incontestable. J'espère tellement que tu pourras me pardonner... En tout cas, saches que ta famille habitait à Sunnyside, je te promets que je n'en sais pas plus. J'aimerais tellement t'aider à les retrouver mais je ne peux pas, je ne sais rien sur eux, mis à part le nom de cette ville. Je t'aime, Jude, je t'ai toujours aimée et je t'aimerais toujours, peut importe ce que peuvent penser les gens, peut importe ce que TU peux penser.

Pardonnes moi.
Je t'aime, n'en doutes jamais. »


Elle n'avait pas signé, peut-être parce qu'à chaque fois que Claire écrivait des lettres à ses filles, que ce soit pour Noël ou pour leurs anniversaires, ou X évènement, elle signait toujours par "ta Maman qui t'aime". Cette fois ci, ç'aurait été bien trop déplacé de sa part. De la part de l'inconnue qui avait enlevé Jude-Bryséïs ou autant dire Samara, dans un supermarché, comme un vulgaire paquet de nouilles. La lettre tomba doucement sur le carrelage de la chambre de Jude, attérissant en un bruit imperceptible par l'oreille humaine. Mais Jude l'entendit, ce bruit, c'était le bruit de son coeur qui se déchirait dans sa poitrine, de ses tripes qui se tordaient, de tout ce qu'elle avait cru qui s'évanouissait. « Je te déteste » criait-elle à plein poumons. Elle répétait ces trois mots, sans pouvoir s'arrêter tandis qu'elle déchirait cette satané enveloppe embaumée du parfum de sa mère. Enfin de Claire. Elle continuait de crier, de plus en plus fort, tout en pleurant. « Jude, ça va aller » Aleysia, alarmée par les cris de sa soeur rentra dans la chambre de sa soeur et la prit dans ses bras et chuchotait Shh à l'oreille de sa soeur comme Claire avait l'habitude de le faire lorsqu'elle calmait ses filles. « Parles moi, Judie » « Non. » Jude n'avait pas envie de parler, elle n'avait aucune envie de briser les rêves de sa soeur comme Claire avait brisé les siens. « D'accord, c'est pas grave. » répondit sa soeur, en serrant Jude-Bryséïs de plus belle. Si, ça l'était.

« MAMAN MAMAN, REGARDE REGARDE » Jude-Bryséïs tournait en rond sur elle-même, montrant à sa mère sa petite robe rose que celle-ci avait spécialement cousue pour elle. « oui, je te regarde, t'es la plus belle » répondit la jeune mère en prenant la main de la petite Jude pour la faire tourner sur elle-même de plus belle. « Non c'est toi la plus belle maman » s'écria la petite fille tout en souriant à Claire. « Tu me fais des tresses, dis ? » sa mère était la meilleure tresseuse du monde, elle aurait du en faire son métier. non, enfaîte, sa mère était la meilleure mère du monde, la plus attentionnée et il n'y avait pas une seule chose qu'elle ne pouvait refuser à ses filles. Claire Bluebird reposa la petite Jude sur la chaise de la cuisine et commença à passer sa main dans ses cheveux, commençant à séparer avec attention sa touffe brune en trois mèches. « tu sais, quand tu seras plus grande et que tu auras des enfants, les plus beaux enfants du monde, tu pourras toujours venir à la maison avec eux et je t'apprendrais à faire des tresses, tu feras les plus jolies tresses » chuchota Claire à l'oreille de Jude-Bryséïs qui se mit à rire. « Tu me fais des chatouilles, maman » s'écria-t-elle en reprenant son souffle. « Ah oui, et la ? » répondit Claire sur un air de challenge alors qu'elle commençait à chatouiller la petite Jude qui rigolait à en perdre haleine. « Arrête, arrête!! » Jude-Bryséïs se tordait de rire sur sa chaise tandis que Claire la chatouillait. « Allez, ma puce, vas t'entraîner à faire des tresses sur ta soeur » se contenta de répondre sa mère avant de la porter jusqu'à la chambre d'Aleysia qui empilait des legos les uns sur les autres. « Maman, on t'aime » s'écrièrent en coeur les deux fillettes avant que leur mère ne s'éloigne, un sourire sur les lèvres.

« Judie, t'es prête ? » demanda Aleysia. Bien sûr qu'elle n'était pas prête, pas plus qu'Aleysia ne l'était. Après tout, dire au revoir une dernière fois à celle qui vous a élevée, personne n'est prêt pour ce genre de chose. « Oui, viens » mentit Jude-Bryséïs alors qu'elle prenait la main de sa soeur, dévastée. Elles retrouvèrent ensemble leur père, qui se trouvait dans la cuisine. Tous les trois portaient des tenues d'un noir déprimant, d'un noir qui signifiait la mort, la mort du pilier de cette famille. Lorsqu'ils mirent les pieds dehors, le temps était pluvieux, gros cliché, non ? La pluie, l'enterrement ? Quoi qu'il en soit, Jude s'en foutait, tout ce qu'elle voulait, c'est que ce jour soit terminé. Puis ensemble, unis tels la famille qu'ils avaient toujours été, ils entrèrent dans cette voiture, noire, aussi. Tandis que la voiture avançait, Jude entendait le malaise s'installer. Personne n'osait prononcer un mot, personne n'osait faire un seul bruit, et pourtant, elle entendait les larmes s'écouler sur les joues de leur père et sur celle de sa soeur. Jude, elle, restait silencieuse. Elle n'avait toujours pas digéré la lettre. Elle avança sa main vers celle de sa "soeur" puis elle changea d'avis et la reposa sur le siège, elle n'osait pas affronter le regard d'Aleysia, elle n'osait pas affronter la triste vérité. Elle voulait rester dans son petit monde, dans sa propre bulle, sa propre réalité. La même bulle qui éclata en même temps que les portières s'ouvrirent. Il était temps, il était temps de regarder les autres avoir pitié de vous tendis que vous vous avanciez vers la tombe de votre mère. Il était temps de les entendre chuchoter entre eux « pauvre famille, pauvres enfants ». « pauvre cons » ne pouvait s'empêcher de penser Jude-Bryséïs. Elle entendait le prêtre, bien que sa voix soit brouillée par les millions de pensées qui traversaient l'esprit de Jude. Il parlait de combien elle allait leur manquer, combien la mort était une épreuve difficile. Oh, combien Jude-Bryséïs s'en foutait de son blabla sans saveur. Elle était énervée contre le monde, de lui avoir pris sa mère, ou de justement ne pas avoir de mère puis elle sentit la main de son père sur son épaule qui la sortit de ses pensées. C'était son tour, il était temps d'aller poser cette rose sur la tombe de sa mère tandis que ces inconnus la jugeraient. Ils n'en savaient rien, ils ne connaissaient pas son histoire. Ils ne savaient aucunement combien Jude aimait sa mère, ou plutôt cette femme qui l'avait élevée. Qui étaient-ils pour juger ? Jude s'avança vers cette tombe blanche qui contenait le corps sans vie de Claire. Elle avait envie de pleurer, de verser toutes les larmes de son corps. Mais elle ne pouvait pas, pas devant tous ces gens, pas devant Aleysia, elle devait se montrer forte, elle était l'aînée. Et en avait-elle le droit, de pleurer ? Après tout, elle n'était même pas sa fille. Un... deux... trois. Jude lâcha la fleur et la vit se poser doucement sur le cercueil. C'était fini. Elle ne la reverrait jamais, c'était la fin. Puis vint le tour d'Aleysia, elle pleurait, elle tremblait, elle semblait si fragile, si malheureuse, elle en avait le droit, après tout. C'était sa mère, dans cette boîte, la leur ? Jude était perdue. Puis sa soeur s'avança vers elle et lui fit un câlin. Le câlin du désespoir, le calin du malheur et malgré le fait qu'elles n'était pas vraiment sa soeur, Jude continua de rassurer Aleysia, lui caressant les cheveux, lui chuchottant Shhh à l'oreille, de la façon dont Claire le faisait, de la façon dont les Bluebird le faisaient...

Sunnyside. Jude n'avait jamais entendu parler de cet endroit et pourtant, elle y avait pourtant vécu. C'était la seule chose qu'elle connaissait à propos de sa "véritable" famille, Sunnyside. Qu'est-ce qui la retenait à Chicago ? Enfin, elle n'avait plus d'attaches, plus vraiment du moins. Son père lui avait lui aussi menti pendant toutes ces années mais il y avait toujours le problème d'Aleysia, qui ne fût plus un problème puisque celle-ci décida de la suivre en Alabama, j'imagine qu'elle aussi avait besoin d'une bonne bouffée d'air frais. Quoi qu'il en soit, sans se faire prier, les deux soeurs déménagèrent ensemble pour Sunnyside ou elles partagèrent un appartement. Après tout, elles avaient toujours vécu toutes les deux, on ne change pas les bonnes habitudes.

« Bonjour, est-ce que je pourrais parler à un inspecteur ? un shérif ? enfin j'en sais rien, un gars de la police ? » demanda Jude-Bryséïs lorsqu'elle entra dans le commissariat de cette petite bourgade d'Alabama. Ce commissariat était d'un calme légendaire, loin de ceux qu'on peut trouver a Chicago, toujours remplis de petits dealers a la sauvette et compagnie. « Oui, je peux m'occuper de vous, mademoiselle ? » demanda alors un beau brun au bureau d'en face. Dieu ce qu'il était beau. Jude l'aurait bien laissé s'occuper d'elle d'une autre manière, si vous voulez ce que je veux dire. Quoi qu'il en soit, elle n'était pas la pour ça. Elle devait retrouver sa famille, quoi qu'il en coûte et elle comptait bien le faire, avec ou sans l'aide de sexy shérif. Mais une petite heure plus tard, après avoir raconté son histoire à celui-ci, il accepta de l'y aider. Prochaine mission : retrouver ses origines.