Je me retrouvais sur la route. Seule, sans repères et sans gloire. J’avais enfin fini par comprendre que l’abus ne mène à rien. Depuis toute petite, je m’étais faite manipulée par des gens qui proclamaient haut et fort qu’ils étaient mes parents. J’étais peut être leur fierté mais eux, ils n’étaient pas la mienne. Ils ne pensaient qu’à eux, mais je pense que le pire coup a été les fiançailles. Adam était un homme très sympathique, il avait un sourire scotché en permanence sur ses lèvres, il était intelligent, brillant, il possédait une fortune inestimable et mes parents l’adoraient. Le gendre parfait pour eux. Il n’était pas mon genre, il n’avait pas ce charme, ce petit truc que je recherchais chez un homme.
Mes yeux se posaient sur une affiche, un couple heureux, des sourires à la limite de la perfection, oui, une publicité pour du dentifrice. Inutilité. Je marchais à la conquête de l’Amérique, beaucoup l’avait fait et c’était une expérience à faire. Certains le faisaient par plaisir, moi je le faisais pour être sauvée d’une emprise qui m’empêchait de respirer correctement. La chaleur était épuisante, le soleil tellement puissant qu’il traversait les lunettes de soleil que je portais sur le nez. Personne ne s’arrêtait, je tendais le pouce vers le haut, un large sourire aux lèvres et pourtant, personne ne ralentissait pour me demander où j’allais. Je soupirais, mon corps était épuisé, je marchais depuis plusieurs jours et les nuits passées à l’hôtel avaient été courtes. J’étais prête à lâcher l’affaire du stop quand quelqu’un daigna s’arrêter afin de m’avancer dans ma longue route vers l’inconnu. Je montais dans la voiture du parfait inconnu alors qu’il me regardait, non surpris de voir une autostoppeuse, il devait en avoir l’habitude.
C’est ainsi que tout commença, le road-trip d’Elijah et de Nell. Un train de vie exceptionnel doté de grandes surprises chaque jour. Nous ne savions pas où nous allions mais ce que l’on savait c’est qu’on y allait ! Chaque ville était différente, tous les décors semblaient être sortis tout droit de films. Ces deux ans de voyages était en fait une balade prolongée qui n’aurait jamais dû se finir mais comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin. Même si notre histoire n’était pas finie.
Cette nuit là je m’en souviens encore, une nuit d’adieux certainement. Son corps collé contre le mien, ses doigts parcourant les courbes de mon corps, ses caresses… Je les avais connu pendant une seule nuit. Deux ans à se déchirer, à se disputer, à se réconcilier puis de nouveau la même chose. Notre vie n’avait rien de monotone pourtant, mais je devais rentrer chez moi, je ne pouvais pas vivre au jour le jour pendant toute ma vie, il fallait que je sois posée. En me réveillant, sans même ouvrir les yeux, je savais très bien qu’il avait disparu. Je ne sentais plus son doux parfum, je ne frissonnais plus comme cette nuit là. Il était parti, oui parti, sans laisser de mot. Les mots auraient été inutiles dans cette situation très compréhensible. Il ne voulait pas rester quelque part, je devais vivre ma vie comme je l’avais prévu, sans rancunes.


« Ma chérie, dans deux heures tu te maries ! » « Youpi ! Ca va être génial ! » Je soupirais, la robe que je portais était composée d’un bustier extrêmement serré qui m’empêchait de respirer correctement et d’une traine de plus de trois mètres qui me gênait particulièrement lorsque je marchais. Imaginez la traine, mais aussi les talons de douze centimètres que l’on m’avait imposé parce que « c’est trop mignon ma chérie, ça te fera une allure de mannequin ! ». Comme si j’avais envie de ressembler à un mannequin, comme si j’avais envie de me marier ! Adam était adorable certes, mais pas du tout fait pour moi. Son petit air niais me donnait envie de lui donner des gifles et puis le fait de devoir faire mon devoir conjugal me répugnait de plus bel. Je devais simuler un orgasme à chaque rapport sexuel ou presque, il n’était pas l’homme de ma vie, il était l’homme d’une nuit. Fort heureusement, il avait accepté de me laisser garder mon nom de famille, je n’étais pas contrainte de porter le sien, quel soulagement.
Mon père me conduisait à l’autel, je peinais à marcher correctement sous le rire de certains des invités. Des inconnus, aucun de mes amis n’avaient été conviés à l’évènement et heureusement. Ce n’était pas un mariage, c’était un canular ! Juste histoire que mes parents profitent de la fortune de quelqu’un d’autre ! Quelle injustice. Son regard croisait le mien, j’esquissais un léger sourire, il n’était pas méchant après tout, juste un peu naïf et fils à ma maman. Il prenait ma main dans la sienne, entrelaçait ses doigts aux miens et le prêtre commença à faire un discours. « Adam Clyde, souhaitez-vous prendre mademoiselle Nell-Hyde O’Hara pour légitime épouse, de jurer de la protéger et de l’aimer jusqu’à la fin de votre vie ? » « Oui, je le veux. » Un sourire venait se dessiner sur les lèvres d’Adam, il était ravi de devenir mon mari. « Nell-Hyde O’Hara, souhaitez-vous prendre monsieur Adam Clyde pour légitime époux, de jurer de le protéger et de l’aimer jusqu’à la fin de votre vie ? » Ouiiii ! Et pourquoi ne pas faire la cuisine et la lessive en tenue de soubrette aussi ? « Oui, je le veux. » « Par les pouvoirs qui me sont consacrés, je vous déclare mari et femme. Vous pouvez vous embrasser. » Adam déposa ses lèvres sur les miennes avant même que je ne puisse réagir. Il m’aimait c’était certain, mais ce n’était pas mon cas. A ce moment là, je revoyais toute ma vie, la vie avec Elijah, cette nuit où nous nous étions abandonné l’un dans les bras de l’autre. Cette nuit où il était parti sans dire un mot. Mes lèvres se détachèrent de celles d’Adam et toute l’assemblée applaudissait soudainement. J’étais Madame Adam Clyde.

Sunnyside. Quelle stupidité ! Rien que le nom de la ville me donne envie de rire. Faire un mariage dans une petite ville, c’est vraiment ne pas avoir de fierté. Enfin bon, si le couple est de la région, je veux bien essayer de faire semblant de comprendre l’intérêt qu’ils ont pour la ville. Je soupirais à nouveau, me déplacer si loin pour un ami d’Adam me dépassait complètement. Le couple en question aurait pu choisir une pâtissière plus prête que moi, mais non, Adam m’avait conseillé. Alors uniquement pour leur faire plaisir, j’avais accepté de préparer leur gâteau de mariage et de résider à l’hôtel, seule, car Adam devait rester à Boston pour le travail. Sunnyside ne m’attire pas, et je ne compte pas m’éterniser en ville de toute façon alors me voilà !